mercredi 6 janvier 2021

Un "Bronzino" découvert au musée de Nice

Agnolo Allori, dit Bronzino (1503-1572) : 
Christ en Croix
(vers 1545 - Nice, Musée des Beaux-Arts Jules Chéret). 
Huile sur panneau - 145 x 115 cm

Un Christ en Croix était accroché depuis longtemps au Musée des Beaux-Arts de Nice. Entré dans ses collections en 1879 avec le legs Defly, il avait été catalogué en 1902 comme une œuvre de Fra Bartolomeo (1472-1517), peintre florentin. Mais cette attribution avait été abandonnée rapidement, et le tableau, qu’on pensait désormais être du XVIIe siècle, était retourné à l’anonymat.

Un évènement fortuit va bouleverser le destin de ce tableau.

C’était au mois d’octobre 2005, Philippe Costamagna déambulait avec son ami Carlo Falciani dans les galeries du Musée des Beaux-Arts de Nice. Philippe Costamagna est Directeur du palais Fesch, musée des Beaux-Arts d’Ajaccio ; lui et son ami sont des spécialistes de la peinture italienne du XVIe siècle

Il raconte :

« Le soleil, souvent présent sur la baie de Nice, était haut dans le ciel ce jour-là, et laissait pénétrer ses rayons dans la galerie selon un angle aigu. Tout en jetant un coup d’œil distrait aux collections, je me souviens que nous bavardions de tout autre chose, quand nos yeux se sont arrêtés sur un Christ accroché au bout du couloir, aux pieds duquel tombait un rayon de soleil qui faisait reluire des ongles à la texture porcelainée que je reconnaîtrais entre mille. « Tu vois ce que je vois ? » m’a demandé Carlo. Le bavardage a laissé place à un silence époustouflé. Nous voyions bien la même chose. A la faveur de ce rayon de soleil providentiel s’était révélé le Christ en croix de Bronzino, peint par l’artiste à l’intention de la famille florentine des Panciatichi, vers 1540. »

Les époux Panciatichi étaient des banquiers florentins, riches et puissants, mais aussi engagés en faveur d’une réforme interne de la foi catholique tenant compte des objections de Luther. Ils sont les parfaits représentants de la bourgeoisie marchande triomphante de cette époque.

Le tableau en question était considéré comme perdu, et vainement recherché par les connaisseurs de la peinture florentine de cette époque. Il était connu uniquement par la description qu’en donne Giorgio Vasari dans ses « Vies », commande du grand duc de Florence. Curieusement, Vasari n’aimait pas tellement Bronzino. Il décrit ce tableau en qualifiant l’œuvre d’extraordinaire. « Pour Bartolomeo Panciatichi, il fit le tableau d’un Christ crucifié, exécuté avec tant de soin et tant d’application, qu’on voit bien qu’il prit pour modèle un véritable corps mort mis en croix. »

La révélation tient alors à peu de choses… l’éclat de la lumière sur un orteil du Christ ! « S’il n’y avait pas eu ce rayon de lumière naturelle, nous n’aurions pas eu cette révélation du tableau de Bronzino », confie Philippe Costamagna. En réalité, cette reconnaissance repose sur une énorme érudition, de plus, Philippe Costamagna est un « œil ».

Agnolo Allori, dit Le Bronzino a été l’élève, l’amant, l’ami et le fils adoptif du peintre Pontormo. Il est considéré comme le plus grand peintre maniériste florentin à la Cour des Médicis  Les œuvres de Bronzino sont très rares dans les musées français : on dénombre trois œuvres au Louvre, et le musée de Besançon conserve la magnifique « Déploration sur le Christ mort ».

La découverte d’un grand chef-d’œuvre de la Renaissance italienne est un évènement majeur. Celle-ci justifiera désormais, à elle seule, une visite au Musée des Beaux-Arts de Nice.

À lire : « Histoire d’œils » par Philippe Costamagna. Ed. Grasset (2016)

 

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