samedi 26 mars 2022

Une coupe de la Renaissance italienne retrouve son précieux couvercle


Cette remarquable coupe a très probablement appartenu à Rodolphe II de Habsbourg, avant de faire partie de la collection du cardinal Mazarin, puis de Louis XIV. En effet, la coupe et le couvercle de Vénus et Cupidon sont clairement décrits en 1661 dans l'inventaire posthume de la galerie du cardinal : « Une grande tasse d'une seule agathe d'Allemagne en coquilles, portée par un dauphin d'argent vermeil doré posant sur une coquille aussy d'argent vermeil doré, avec son couvercle d'une autre grande coquille d'Allemagne, aussy en coquilles, sur laquelle est entaillé une Venus tout nue couchée sur un drap et un petit amour auprés entourée d'un bord d'argent vermeil doré. »

Le vase resta dans les collections royales jusqu’à la Révolution. En 1796, sous le Directoire, le vase fut donné en paiement à un marchand comme d’autres œuvres des collections nationales.

Att. à Giovanni Ambrogio Miseroni (1551-1616) :
Coupe en a
gate des Grisons et argent doré
11,5 x 19,8 x 13,7 cm

La coupe seule réapparut dans une vente en 1968, où elle fut acquise par préemption par le Louvre ; mais le précieux couvercle avait disparu.

Att. à Giovanni Ambrogio Miseroni :
Camée « Vénus et l'Amour ». 
Agate des Grisons, monture en argent doré
9 x 20,5 x 14 cm 

Cinquante ans plus tard, le camée qui forme son couvercle, fut identifié à son tour dans une collection privée.

Gravé dans une agate des Grisons, ce camée représentant « Vénus et l’Amour  endormis dans un coquillage » est un véritable chef-d’œuvre de la glyptique de la Renaissance italienne. C’est l'une des plus importantes œuvres attribuées à Giovanni Ambrogio Miseroni (1551-1616), un des plus grands sculpteurs de pierres dures de son temps.

L’acquisition de ce camée par le musée du Louvre était une occasion exceptionnelle de rassembler les deux parties de la coupe de Louis XIV et, par-là, de recomposer une œuvre hors norme, l’une des créations les plus originales des lapidaires italiens du XVIe siècle.

Le cygne et la bordure curviligne en vermeil ont été attribués à l’orfèvre d’Augsbourg Anton Schweinberger (actif fin XVIe, début XVIIe s.).

Le prix de ce seul couvercle était évalué à 2 620 000 euros. La Société des Amis du Louvre a soutenu l’opération à hauteur de 250 000 euros, et plusieurs grands donateurs sont intervenus. De plus, le musée du Louvre a fait appel à la générosité de tous afin de réunir 1 million d’euros avant le 25 février 2022. L’opération  a été couronnée de succès, de sorte que le Grand camée de Vénus et l’Amour a retrouvé sa coupe, parmi les Gemmes de la Couronne, présentées dans la galerie d’Apollon.

 

 

mardi 15 mars 2022

Un exceptionnel médaillon Renaissance entre au MOMA


Vers le milieu du XVIIe siècle, un aristocrate anglais, George Treby III, rapporta cet objet de son Grand Tour en Italie. Cet extraordinaire médaillon en bronze partiellement doré et incrusté d’argent demeura dans cette famille jusqu’en 2003 où il fut proposé à la vente, et adjugé 6 949 250 £, dépassant son estimation.

Les institutions britanniques se mirent alors en ordre de bataille en refusant la sortie du médaillon et en réunissant les sept millions de livres correspondant à son adjudication afin de lui permettre de rejoindre les collections nationales, en l’occurrence le Victoria & Albert Museum.


Attribué à Gian Marco Cavalli (~1454-apr. 1508)
Vénus et Cupidon dans la forge de Vulcain (~1500)
Ø 42 cm - New York, The MOMA

Mais le nouveau propriétaire retira sa demande d’exportation quelques mois plus tard, conservant ainsi la sculpture sur le sol anglais. Le médaillon resta probablement dans la famille Al-Thani jusqu’en 2019 puis fut vendu au marchand Daniel Katz, qui déposa une nouvelle demande de sortie du territoire en 2021 : celle-ci engendra un nouveau refus de la part du DCMS, l’équivalent britannique de notre Ministère de la Culture. Son prix avait cependant augmenté, passant de sept à dix-sept (!) millions de livres, montant impossible à rassembler pour les musées anglais.


Le médaillon put ainsi être acquis par le Metropolitan Museum of Art de New York qui l’a officiellement annoncé le 23 février 2022. Il fallut cependant réunir un grand nombre de mécènes puisque le prix astronomique de cette pièce fut dévoilé par la presse américaine : avec 23 millions de dollars.


Le médaillon n’était vraisemblablement pas considéré comme un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne par la famille Treby. Depuis il a été bien étudié. Son attribution à Gian Marco Cavalli, graveur, médailliste et orfèvre actif dans l’entourage d’Andrea Mantegna repose notamment sur la présence du cheval sur le casque forgé par Vulcain, dans laquelle les spécialistes voient une « crypto-signature » de l’artiste surnommé « Cavallino ». L’entrée du médaillon dans une collection muséale devrait lancer de nouvelles études sur cet objet qui doit beaucoup à Mantegna.

 

L’iconographie du médaillon est facilement reconnaissable : on y voit Mars avec son bouclier, Vénus tenant l’Amour avec son arc et sa flèche puis Vulcain forgeant son casque tandis que deux putti encadrent la scène, le premier jouant avec l’épée de Mars et le second attisant le feu de Vulcain. Un cartouche, ou tabula ansata, vient cependant nous renseigner davantage : l’inscription latine CYPRIA MARS/ET AMOR GAUDENT/VULCANE LABORAS (Chypre Mars et Amour se réjouissent — Vulcain, tu travailles) souligne combien certains prennent du bon temps pendant qu’un autre travaille. Ce sujet était en vogue dans les cours italiennes de la Renaissance.