dimanche 31 janvier 2021

AL DANTE !

C’est ainsi que Pierre Assouline remplit la « carte blanche » de la dernière page de la revue Histoire de février 2021 (n° 480) dont voici des extraits significatifs.

L’Italie célèbre en grande pompe les 700 ans de la mort de Dante et inaugure à Florence le musée de la Langue italienne.

Le projet italien (repose sur) une volonté politique, celle du maire de Florence, Dario Nardella et du ministre italien des Biens culturels et du Tourisme Dario Franceschini. (…) (Ils espèrent inaugurer le musée de la Langue italienne) le 25 mars 2021, jour du « Dantedi », l’hommage national à Dante Alighieri (1265-1321) pour le 700e anniversaire de sa mort. Le comité des célébrations est placé sous la direction du philologue Carlo Ossola.

On s’en doute, la journée d’hommage ne se tiendra probablement pas en raison de la crise sanitaire que traverse l’Italie.

Mais anno dantesco oblige, le Musée verra bien le jour en 2021 selon ses promoteurs. Il doit être installé dans l’un des trois anciens cloîtres de l’ensemble conventuel Santa Maria Novella. (…) Si la restauration de l’édifice n’est pas achevée à temps, il faudra se contenter d’une « chambre virtuelle » qui donnera un aperçu « virtuel » du musée.

Le coordonnateur du projet, Luca Serianni, est professeur d’histoire de langue italienne à l’université de Rome Sapienza, auteur d’une grammaire de référence et président de la société Dante Alighieri. La commission qu’il a constituée réunit les principales institutions italiennes dévolues à la langue. Mais comme la subvention de 4,5  millions d’euros n’y suffira pas, il faudra bien se tourner vers le financement privé. (…) Les organisateurs ont l’intention de solliciter « le secteur oenogastronomique » en créant à cet effet des circuits et des parcours mettant en relation les mots, les plats et les vins…

(Nous) y trouverons retracé l’histoire de la langue italienne et son évolution depuis l’œuvre du cardinal Tommaso da Capua, mort en 1243, (…) jusqu’à l’italien tel qu’il s’écrit sur Twitter…

Le « Dantedi » aura réussi déjà un miracle : (…) la mozione soumise au vote des députés fait l’unanimité au Parlement.


samedi 30 janvier 2021

Des œuvres d'art italiennes saisies - 2/3

2-Le défilé triomphal des œuvres d’art



Le Directoire prit un décret pour organiser une cérémonie spectaculaire afin de faire entrer triomphalement à Paris, le 9 thermidor an VI (27 juillet 1798), toutes les caisses renfermant les manuscrits, les livres les statues et les tableaux provenant de la bibliothèque et des musées du Vatican. Ces caisses furent placées sur d'énormes chariots attelés de chevaux richement harnachés.

Un étendard précédait les antiquités avec ces mots :

La Grèce les céda, Rome les a perdus
Leur sort changea deux fois, il ne changera plus.

Ce long cortège, parti du quai bordant le jardin des Plantes, accompagné pendant son long trajet par une foule qui croissait incessamment, traversa tout Paris pour défiler au Champ de Mars. L'ensemble du cortège était divisé en quatre sections.

En tête s'avançaient les caisses remplies de manuscrits et de livres ; puis celles où l'on avait rassemblé les produits minéraux les plus curieux de l'Italie. Pour compléter cette espèce de musée d'histoire naturelle ambulant, venaient, portées sur des chars, des cages de fer renfermant des lions, des tigres et des panthères, au-dessus desquelles se balançaient d'énormes branches de palmier, de caroubier et d'autres végétaux exotiques rapportés en France par les officiers de notre marine.

Venait ensuite une longue file de chariots portant les tableaux encaissés, sur lesquels on avait pris soin d'indiquer les productions les plus célèbres, telles que la « Transfiguration » de Raphaël, le « Christ » de Titien, etc.

Enfin, sur des chars plus solides, plus lourds, suivaient les statues, les groupes en marbre : l'Apollon du Belvédère, les Neuf Muses, l'Antinoüs, trois ou quatre Bacchus, le Laocoon, le Gladiateur, et ce que la statuaire antique offrait alors de plus remarquable. Ces chars avec leurs charges précieuses étaient numérotés et couverts en grande partie de branches de lauriers, de bouquets, de couronnes de fleurs et de drapeaux pris à l'ennemi.

Chacune de ces quatre divisions était précédée de détachements de cavalerie et d'infanterie avec tambours et musique en tête.

Hubert ROBERT
La galerie des antiques, avec le Laocoon
1802-1803.

L'arrivée de tous ces chefs-d'œuvre au Louvre nécessita de réaménager la présentation des collections et d'agrandir le musée devenu trop petit. La Grande galerie est transformée. L'ancien appartement d’été d'Anne d'Autriche est modifié pour y aménager le musée des antiques. Dans son rapport aux consuls du 13 fructidor an IX (31 août 1801), le ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal constate que « le Muséum central des arts présente en ce moment la plus riche collection de tableaux et de statues antiques qu'il y ait en Europe ».

Du fait de la nationalisation des biens du clergé et des émigrés, ainsi que des rapines des armées révolutionnaires à travers l'Europe, le gouvernement de la République est débordé par les œuvres d'art. Le musée du Louvre, de création récente, ne peut toutes les recevoir.

À la demande du Premier Consul Napoléon Bonaparte, Chaptal publie un arrêté le 31 août 1801 (13 fructidor an IX), en vue d'instituer quinze musées dans autant de grandes villes françaises.

Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lille, Strasbourg, Nancy, Dijon, Toulouse, Caen, Rouen, Rennes, mais aussi  Bruxelles, Genève et Mayence, alors villes françaises.

Chacune des villes concernées reçoit des lots importants, par exemple, en 1803, Chaptal fit envoyer 43 tableaux au musée de Toulouse.

La distribution étalée sur une dizaine d’années permit ensuite l’enrichissement des musées d’Angers, Tours, Le Mans, Montpellier, Rennes, Grenoble. (21 villes en tout). Orléans ne figure pas sur la liste, La ville de Tours lui a été préférée.

Le nombre total des œuvres distribuées se montait à 1 058.

 

lundi 25 janvier 2021

Des œuvres d'art italiennes saisies - 1/3

Du traité de Tolentino (1797) au Congrès de Vienne (1815)

Nous allons évoquer le pillage des œuvres d’art italiennes par les troupes napoléoniennes, l’enrichissement des collections du Musée central des Arts qui prendra le nom de musée Napoléon (futur musée du Louvre), jusqu’à la chute de l’Empire en 1815. C’est au Congrès de Vienne que furent décidées des restitutions partielles.

Ce récit se fera en trois épisodes successifs dont voici le premier.

1-Le Muséum central des Arts de la République

Pendant la période révolutionnaire, il est décidé qu’un musée sera créé dans le palais du Louvre pour recevoir les œuvres saisies par les armées de la République.

Le Muséum central des Arts de la République est en effet inauguré le 10 août 1793. C’est la date de fondation de l’actuel musée du Louvre.

537 tableaux, 45 sculptures et 124 objets d’art formèrent le noyau du Muséum central. Il est avant tout conçu comme un lieu de formation pour les artistes qui seront les seuls, jusqu’en 1855, à pouvoir y entrer la semaine, le public n’y étant admis que le dimanche.

Le 7 ventôse an II (25 février 1794), le peintre et député Antoine Sergent recommande au comité d'instruction publique : « Les Romains en dépouillant la Grèce, nous ont conservé de superbes monuments : imitons-les ».

L'abbé Grégoire déclare : « Si nos armées victorieuses pénètrent en Italie, l'enlèvement de l'Apollon du Belvédère et de l'Hercule Farnèse serait la plus brillante conquête. C'est la Grèce qui a décoré Rome ; mais les chefs-d'œuvre des républiques grecques doivent-ils décorer le pays des esclaves? La République française devrait être leur dernier domicile ». Ces discours vont être mis en application.

Dès l'été 1794, les victoires des armées de la République vont lui donner l'occasion de se saisir des œuvres d'art dans les territoires occupés. En 1794 et 1795, les premiers convois contenaient des tableaux flamands prélevés en Belgique. Puis, ceux provenant d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne.

Caricature anglaise

Napoléon Bonaparte est nommé général en chef de l'armée d'Italie le 2 mars 1796 ; il en prend le commandement le 27 mars.

Bonaparte signe les armistices avec le pape, à Bologne, le 8 juin 1796, puis le traité de Tolentino avec le pape, le 19 février 1797. Ces deux traités « légalisent », a posteriori, les spoliations qui ont déjà commencé ; ils  prévoient dans leurs clauses le transfert à Paris des œuvres d'art les plus célèbres : tableaux de Raphaël, Mantegna, Véronèse, Titien, et les antiques du Vatican et du Capitole. Les saisies sont faites en mai à Parme, Modène et Milan ; en juin, à Crémone et Bologne, puis à Mantoue, Vérone et Venise. Elles sont opérées par la « Commission pour la recherche des objets de sciences et d’art en Italie », nommée par le Directoire, qui a été chargée de « faire passer en France tous les monuments des sciences et des arts qu'ils croiront dignes d'entrer dans nos musées et nos bibliothèques ».

Des voix s'élèvent contre ces saisies sous l'impulsion de Quatremère de Quincy (architecte, archéologue, critique d’art, homme politique) qui déclare « dépecer le muséum d'antiquités de Rome serait une folie et d'une conséquence irrémédiable », il condamnait « l'esprit de conquête » et le qualifiait d'« entièrement subversif de l'esprit de liberté ».

L'enlèvement des chevaux de Saint-Marc

En mai 1797, les troupes de Bonaparte s'emparent de Venise. A la suite du traité de Campo-Formio avec les Autrichiens, signé le 18 octobre 1797, les Français doivent évacuer la cité des Doges. Les églises, les couvents et les palais sont pillés. Il est procédé à l'enlèvement des chevaux de Saint-Marc pour les faire transporter à Paris. Ils y resteront pendant dix-sept ans. Une vingtaine de toiles de maîtres et 241 manuscrits grecs sont également saisis.

mardi 19 janvier 2021

De 1321 à nos jours, la longue errance de Dante.

Après son article Corregio ou les Amours mythiques, du 17 décembre 2020, Graziella BAIO LE CLAIR nous en propose un nouveau. En cette année où l’Italie commémore le septième centenaire de la disparition du grand poète Dante Alighieri (Florence 1265 - Ravenne 1321), notre amie vénitienne nous présente un texte autour de la mort du « sommo poeta » et ses monuments funéraires.


Pour des raisons inconnues, Dante avait quitté la cour amie du seigneur Cangrande à Vérone pour arriver en 1318 à Ravenne, à la cour de Guido Novello da Polenta. Là, durant les trois dernières années de sa vie, Dante avait créé un cénacle littéraire auquel ses fils Pietro et Jacopo ont participé.

Il s’est parfois chargé  de certaines ambassades politiques comme celle qu’il effectua à Venise pour intercéder auprès du Sénat de la Serenissime afin d'infléchir sa politique qui provoquait des attaques navales de Ravenne contre la flotte vénitienne.


Cette action fut un succès pour Ravenne, mais elle fut fatale au poète qui pendant son retour depuis la cité lagunaire, attrapa la malaria en passant par le site marécageux des vallées de Comacchio. Il est décédé, en exil, dans la nuit du 13 au 14 septembre 1321, à l'âge de 56 ans.


En 1483, le recteur et podestat, de la Sérénissime à Ravenna, Bernardo Bembo, père du cardinal Pietro Bembo, fit construire un monument funéraire pour accueillir la dépouille de Dante. Il en confia l’exécution au célèbre sculpteur Pietro Lombardo.


Le tombeau de Dante à Ravenne

En 1780-81, le cardinal légat Luigi Valenti Gonzaga, représentant du pape en Romagne, modifia l’édifice : avec le concours de l’architecte Camillo Morigia. Il fit bâtir au-dessus de l’ancien tombeau du XVe siècle, une construction, en forme de temple néoclassique à plan carré, couronnée d’une petite coupole. Le mausolée est érigé contre le mur du cloître attenant à la Basilique Saint-François, au centre historique de Ravenne.

La façade très sobre comporte une porte surmontée du blason du cardinal Gonzaga, et sur l’architrave est inscrite la phrase en latin « Dantis Poetae Sepulcrum » (Tombeau du poète Dante).


L’intérieur, revêtu de marbre et de stucs, comprend un sarcophage d’époque romaine sur lequel est gravée une épitaphe en latin dont les deux derniers vers rappellent la condition d’exilé du poète : 


hic claudor Dantes patriis extorris ab oris
quem genuit parvi Florentia mater amoris
Bernardo Canaccio (1366)


En français :
Ici est enfermé (moi) Dante, exilé de la terre patrie,
qu’engendra Florence, mère peu aimante. 

Le sarcophage contenant les ossements de Dante à Ravenne.

Le sarcophage est surmonté d’un très beau bas-relief de 1483, œuvre de Pietro Lombardo qui représente Dante devant un pupitre, avec un air méditatif.


Au plafond brûle une lampe votive du XVIIIe siècle, alimentée en huile d’olive provenant des collines toscanes, et offerte chaque année, le deuxième dimanche de septembre, par la commune de Florence, pour commémorer la mort du poète.


Les ossements de Dante, recherchés par les Florentins, cachés par les moines franciscains de Ravenne, subirent de nombreuses vicissitudes. Florence essaya à plusieurs reprises de les récupérer, surtout sous les pontificats des deux papes Medicis Leon X et Clement VII, toujours sans succès. 


Dans l’espoir que les reliques lui soient rendues, la commune de Florence fit réaliser en 1829 un grand cénotaphe dans la basilique Santa Croce. Dante est représenté assis, en haut du monument, pensif, la tête couverte et couronnée de lauriers. Sur le côté droit, la figure allégorique de la « Poésie », prostrée sur le sarcophage, pleure sur sa disparition. À gauche, « L’Italie » en Cybèle, désigne le poète.


Le cénotaphe de la basilique Santa Croce à Florence


La ville de Florence, qui n’a toujours pas obtenu satisfaction, ne peut que fournir chaque année l’huile nécessaire à alimenter la lampe du tombeau de Ravenne.

Graziella BAIO LE CLAIR

mercredi 13 janvier 2021

Du latin… à l’Italien — Souvenirs

Si je me penche sur mon enfance bretonne en quête d’apprentissages scolaires, je me revois d’abord à l’école primaire catholiquement appelée « L’Enfant-Jésus », sise à l’ombre de l’église paroissiale Saint Tremeur, lieu quotidien de nos dévotions.

Les images enfouies remontent lentement, flux mémoriel que je convoque en apnée. Surgissent des visages. Celui de sœur Maria apparaît, petite femme débonnaire et rondelette comme pomme d’api. Je la repère assise au piano. Elle chantonne tout en latinisant, figure de chouette à lunettes plaquée sur ma rétine, car elle déclenchait en moi un fou rire réprimé. D’un geste vif, elle rejette sa cornette, avant de prendre la parole puis de faire des gammes virevoltantes. Nous suivons une leçon de musique aussi inventive que sommaire !
Notre sœur, armée d’une curieuse férule, maniait allègrement son aiguille à tricoter gigotante ! Cette arme de poing lui servait d’ailleurs autant à se gratter la tête qu’à nous piquer pour insubordination quand elle rythmait quelques gammes au piano.
Elle nous inculquait également des rudiments de latin d’église qu’elle pratiquait couramment comme tout membre actif de la communauté catholique, avant le bouleversement né du Concile Vatican II qui supprima la messe en latin ! Amen !

La Nonnette fut vite remplacée par une jeune institutrice, mademoiselle L’Helgouac’h, à peine plus latinisante que notre sœur, mais diserte en potins amoureux auxquels nous prêtions bonne oreille. Façon de transmettre rapidement contestée par mes parents qui décidèrent de m’inscrire en pension, autant dire en exil. Car l’idée de quitter la Maison, nid familial que j’adorais, me chamboulait, mais je n’en laissais rien paraître. J’étais pourtant persuadée qu’il me fallait apprendre le Latin. Rien n’est plus facile à convaincre qu’une jeune brebis catéchisée. J’avais compris que cette langue ancienne était requise pour nourrir, d’excellence, la substantifique moelle de notre esprit ! Affaire de distinction comme dirait Bourdieu ! je dus obtempérer.

J’entrai donc au pensionnat sis hors la ville de Landerneau, tristement appelé « Le Calvaire ». Contrairement à ce vocable peu attractif, je me sentis à l’aise dans cette belle bâtisse environnée d’arbres, ornée de jardins fleuris, parfumés, colorés que nous parcourions au printemps quasiment enivrées. Cette Institution éducative nous offrait curieusement deux visages, tel le dieu latin Janus.

Aquarelle du monastère de Landerneau (1896)

D’une part s’étendait notre domaine aux vastes bâtiments percés de grandes fenêtres, d’autre part, en retrait, un couvent de Bénédictines nous tournait le dos. Nous savions que les nonnes, encloses dans le silence, vivaient une autre vie que la nôtre ; invisibles à nos yeux, sauf le dimanche matin qui nous réunissait dans la chapelle pour la grand’ messe chantée. Je me souviens ! Les Bénédictines cloîtrées « à vie » faisaient alors entendre leurs voix angéliques en suspens au-dessus de la clôture, symbole de claustration volontaire. Nous les pensionnaires, jeunes oiselles en cage semi-ouverte, nous étions très impressionnées, pleines d’interrogations existentielles que recueillait notre voisine, la douce rivière Elorn devenue confidente de nos discussions amicales. Je souffrais toujours d’être séparée des miens, cependant j’acceptais cette contrainte qui devait m’éduquer et m’instruire aux nobles sources du savoir ! C’est pourquoi je considère, depuis longtemps, ce chemin rigoureux comme une sorte de Purgatoire intérieur. Chacun de nous s’appuie sur ses propres repères tous dus à notre éducation. Je m’approchais ainsi de Dante Alighieri « Il sommo poeta » que je rencontrai dès l’enfance, grâce aux gravures de Gustave Doré commentées par ma mère, figures qui devaient illustrer ma vision du monde plutôt binaire au point de départ.

En tout état de cause au fil des jours, au fil des cours, le Latin prit le nom et la forme d’une ville appelée « ROME ».
L’Urbs antique devint bientôt « L’unique objet de mon assentiment ». Je paraphrasais ainsi une tirade en alexandrins tirés de la tragédie cornélienne que nous déclamions à l’envi par esprit de compétition ; mais en cette occurrence, je me sentais bien différente de Camille, noble héroïne pleine de « ressentiment » envers cette cité haïe qui « lui prit son amant » Curiace ! 

La langue italienne, suave et musicale, née du latin, vint bientôt chanter à nos oreilles ouvertes à l’histoire des Romains, peuple italique. AMOR anagramme de ROMA soit AMOUR. La Ville nous faisait signe quand défilaient sous nos yeux les lieux romains témoins d’une antique et vénérable civilisation « le Latium, les sept collines, le Tibre, le Forum » furent autant de repères tracés noir sur le blanc de nos livres austères. Une professoressa, sœur Agnès de Jésus, nonne fragile tel un roseau, nous enseigna « Il bel parlar » « sotto voce », mais avec cœur et exigence. 

Rome, ville papale, constituait le lieu saint de pèlerinages pour ces Filles du Saint-Esprit vouées à l’enseignement par vocation, nous l’espérions !
Elles pouvaient donc à l’occasion d’un séjour romain, prier dans la basilique Saint-Pierre, baiser la mule du premier pape ! Admirer la pompeuse majesté du baldaquin érigé par le Bernin et qui sait ? S’évanouir d’émotion devant un groupe sculpté dans l’église Santa MARIA della Vittoria La fameuse « Transverbération de Sainte Thérèse d’AVILA » ! Œuvre imposante, choc marmoréen, qui exprime l’amour divin tel que le conçut la Sainte espagnole. Union mystique sœur de l’extase amoureuse. J’imagine, à côté d’elle, nos religieuses bretonnes pudiques, poitrine corsetée, robes longues, qui contemplent, bouleversées, la sainte en proie à ses fantasmes transcrits avec un tel art de la description que son autobiographie étonne et retient le lecteur.

Peu importe mes supputations d’aujourd’hui ! L’essentiel me reste en l’esprit. Notre sœur enseignante de latin et d’italien connaissait assez bien les deux langues pour nous ouvrir à un autre monde né sur les bords lumineux de la Méditerranée. Elle devait orienter mes goûts et les fixer définitivement au sujet de l’Italie.

Dans le terreau breton du Léon, proche des côtes anglaises, s’implantèrent racines françaises, latines et italiennes. Elles se mêlèrent, grandirent, s’épanouirent au fil des ans tant à Paris qu’à Orléans. Nouvel élan ! Cette ville ligérienne nous offrit des espaces culturels telle que l’association Dante Alighieri. Miracolo ! Elle ouvrait ses portes aux amoureux de la langue et de la civilisation italienne. Je m’inscrivis aux cours, élève attentive et comblée. Je rêvais bientôt de voyager « au beau pays où fleurissent les orangers »…
C’est là que je rencontrai une femme savante du nom de Louf-Cani. Elle fut pour moi un vrai guide qui me mena en Italie dans les Marches, escalier symbolique que je gravissais au fil des heures, au fil des cours, en sa vivante compagnie. Elle figure aujourd’hui, sous forme d’enluminure, dans un précieux recueil intitulé « Mes riches heures en Italie ».


samedi 9 janvier 2021

Visite virtuelle de Rome

Une amie nous ayant fait découvrir des visites virtuelles de quatre églises de Rome, nous avons pensé vous les faire partager.

Merci à Jean-Louis qui en a rédigé les commentaires. 


Cappella Sistina - Chapelle Sixtine


La chapelle papale du XIVe siècle étant délabrée, des travaux de rénovation sont commandés par le pape Sixte IV, lors de son jubilé de 1475.

Sur les murs latéraux, les fresques sont réalisées, entre 1481 et 1482, par les meilleurs peintres de l’époque : Domenico Ghirlandaio, Sandro Botticelli, Pinturicchio, Luca Signorelli et Le Pérugin.

La décoration du plafond de la chapelle fut commandée par le pape Jules II, au début de son pontificat (1503-13). En 1504, une longue fissure provoqua des dégâts si importants que le pape chargea Michel-Ange de refaire la décoration du plafond. En mai 1508, l’artiste signa le contrat prévoyant la représentation des douze apôtres sur les pendentifs. Mais Michel-Ange jugea ce sujet trop « pauvre ». Sur sa requête, et grâce à l’aide des théologiens de la cour papale, il conçut neuf scènes centrales représentant des épisodes de la Genèse. Les travaux sont achevés en 1512.

Quant au Jugement dernier, Michel-Ange, alors âgé de 60 ans, a peint cette fresque sur le mur de l’autel de la chapelle (16 x 13 m). Commandé par le pape Clément VII, le travail dura six ans, et fut inauguré par son successeur Paul III le 1er novembre 1541. On peut dénombrer 400 personnages.


cliquez sur l'image pour démarrer la visite.


Basilica di San Pietro – Basilique Saint-Pierre


Sa construction, à l'emplacement de l'antique basilique vaticane construite sous l'empereur Constantin 1er, commence le 18 avril 1506, et est achevée en 1626. Ses architectes les plus importants sont Bramante, Michel-Ange (le dôme), Maderno et Le Bernin (la colonnade).

De nombreux chefs-d’œuvre ornent l’intérieur. Le plus célèbre d'entre eux étant La Piéta de Michel-Ange !



cliquez sur l'image pour démarrer la visite.


Basilica  San Paolo Fuori le Mura – Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs


Les premiers édifices ont été ravagés par des invasions, des séismes et des incendies. Sous le pontificat de Pie VII, dans la nuit du 15 au 16 juillet 1823, un incendie détruisit la majeure partie de la basilique, mais l'abside, le transept et le cloître ne furent pas endommagés. La reconstruction de l'édifice débuta en 1825. Il fut choisi de garder le plan paléochrétien et de construire un nouveau bâtiment.

La Commission pour la reconstruction confia les travaux à Pasquale Belli. À sa mort Luigi Poletti lui succéda à la tête des travaux, achevés en 1831. Pie X consacra l'église entière le 10 décembre 1854.

La basilique actuelle est ainsi un édifice d'aspect plutôt néo-classique, style qui cherche ses références dans le Haut-Empire Romain, témoin du goût du XIXe siècle, et non plus vraiment l'ancien édifice paléochrétien issu de l'art des derniers temps de l'Empire romain.



cliquez sur l'image pour démarrer la visite.


Basilique  San Giovanni in Laterano – Basilique Saint-Jean-de-Latran


Premier édifice monumental chrétien construit en Occident, à partir de 320, elle est l'église cathédrale de l'évêque de Rome, le pape. Tout comme le palais du Latran qui lui est contigu, elle est la propriété du Saint-Siège, et bénéficie à ce titre du privilège d'exterritorialité. Elle est considérée comme la « mère » en ancienneté et dignité de toutes les églises de Rome et du monde. Mais la basilique constantinienne a subi de nombreux évènements : destructions, séismes, incendies, etc.

L'édifice actuel est un grand remaniement du XVIIe siècle ; la cathédrale du pape avait bien besoin de retrouver son lustre. La nef et l'aménagement intérieur sont dus à l'architecte Francesco Borromini. Ce dernier aurait désiré reconstruire totalement l'édifice, mais il lui fut imposé de préserver le plafond du XIVe siècle. Son poids étant trop important pour les fines colonnes antiques, Borromini les réunit deux à deux, et fit 10 piliers monumentaux. La façade extérieure, monumentale, est construite en travertin en 1734, par l'architecte Alessandro Galileï. Celui-ci s'est très nettement inspiré de la façade de Saint-Pierre de Rome. Les portes centrales en bronze sont initialement les portes de la Curie romaine du IVe siècle. Elles ont été déplacées du Forum au Latran, lors de cette restauration.



cliquez sur l'image pour démarrer la visite.


mercredi 6 janvier 2021

Un "Bronzino" découvert au musée de Nice

Agnolo Allori, dit Bronzino (1503-1572) : 
Christ en Croix
(vers 1545 - Nice, Musée des Beaux-Arts Jules Chéret). 
Huile sur panneau - 145 x 115 cm

Un Christ en Croix était accroché depuis longtemps au Musée des Beaux-Arts de Nice. Entré dans ses collections en 1879 avec le legs Defly, il avait été catalogué en 1902 comme une œuvre de Fra Bartolomeo (1472-1517), peintre florentin. Mais cette attribution avait été abandonnée rapidement, et le tableau, qu’on pensait désormais être du XVIIe siècle, était retourné à l’anonymat.

Un évènement fortuit va bouleverser le destin de ce tableau.

C’était au mois d’octobre 2005, Philippe Costamagna déambulait avec son ami Carlo Falciani dans les galeries du Musée des Beaux-Arts de Nice. Philippe Costamagna est Directeur du palais Fesch, musée des Beaux-Arts d’Ajaccio ; lui et son ami sont des spécialistes de la peinture italienne du XVIe siècle

Il raconte :

« Le soleil, souvent présent sur la baie de Nice, était haut dans le ciel ce jour-là, et laissait pénétrer ses rayons dans la galerie selon un angle aigu. Tout en jetant un coup d’œil distrait aux collections, je me souviens que nous bavardions de tout autre chose, quand nos yeux se sont arrêtés sur un Christ accroché au bout du couloir, aux pieds duquel tombait un rayon de soleil qui faisait reluire des ongles à la texture porcelainée que je reconnaîtrais entre mille. « Tu vois ce que je vois ? » m’a demandé Carlo. Le bavardage a laissé place à un silence époustouflé. Nous voyions bien la même chose. A la faveur de ce rayon de soleil providentiel s’était révélé le Christ en croix de Bronzino, peint par l’artiste à l’intention de la famille florentine des Panciatichi, vers 1540. »

Les époux Panciatichi étaient des banquiers florentins, riches et puissants, mais aussi engagés en faveur d’une réforme interne de la foi catholique tenant compte des objections de Luther. Ils sont les parfaits représentants de la bourgeoisie marchande triomphante de cette époque.

Le tableau en question était considéré comme perdu, et vainement recherché par les connaisseurs de la peinture florentine de cette époque. Il était connu uniquement par la description qu’en donne Giorgio Vasari dans ses « Vies », commande du grand duc de Florence. Curieusement, Vasari n’aimait pas tellement Bronzino. Il décrit ce tableau en qualifiant l’œuvre d’extraordinaire. « Pour Bartolomeo Panciatichi, il fit le tableau d’un Christ crucifié, exécuté avec tant de soin et tant d’application, qu’on voit bien qu’il prit pour modèle un véritable corps mort mis en croix. »

La révélation tient alors à peu de choses… l’éclat de la lumière sur un orteil du Christ ! « S’il n’y avait pas eu ce rayon de lumière naturelle, nous n’aurions pas eu cette révélation du tableau de Bronzino », confie Philippe Costamagna. En réalité, cette reconnaissance repose sur une énorme érudition, de plus, Philippe Costamagna est un « œil ».

Agnolo Allori, dit Le Bronzino a été l’élève, l’amant, l’ami et le fils adoptif du peintre Pontormo. Il est considéré comme le plus grand peintre maniériste florentin à la Cour des Médicis  Les œuvres de Bronzino sont très rares dans les musées français : on dénombre trois œuvres au Louvre, et le musée de Besançon conserve la magnifique « Déploration sur le Christ mort ».

La découverte d’un grand chef-d’œuvre de la Renaissance italienne est un évènement majeur. Celle-ci justifiera désormais, à elle seule, une visite au Musée des Beaux-Arts de Nice.

À lire : « Histoire d’œils » par Philippe Costamagna. Ed. Grasset (2016)

 

vendredi 1 janvier 2021

Meilleurs vœux aux Acorfiens

Sans bruit il a surgi en l'an deux mille vingt
Ce virus contre qui, on a lutté en vain.
Était-ce un châtiment divin ?
Ce mal qui répand la terreur
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Covid, puisqu'il faut l'appeler par son nom,
Ce fléau, ce démon qui ronge les poumons,
Faisait au genre humain la guerre.

Macron tint conseil et dit :
Aux armes, citoyens ! Sus au virus maudit
Qui s'accroche à nos basques !
Coiffons nos casques !
Et, si nous en avons, mettons vite nos masques !
De savon et de gel enduisons-nous les mains !
Que la victoire apporte de chantants lendemains !

Et dans tous les pays la lutte commença,
On s'activa si bien que vite on progressa,
L'ARN messager se constitua vaccin.
Le virus effrayé, entendant le tocsin
Sonnant très fort la fin de sa domination,
Dans un dernier effort, tenta la mutation.

Mais

Voici le Nouvel an
Moment de changement
Récompense et couronnement de nos efforts !
Nous vaincrons car nous sommes les plus forts !
Alors, en gardant nos distances,
Fêtons notre amitié
En disant tout joyeux : Bonne année et santé !