dimanche 18 avril 2021

Les madones de Pinturichio, Alexandre VI Borgia et Giulia Farnese

Pinturichio, Madona della pace, 1490, San Severino Marche

Pour rester dans les étranges parcours accomplis par certains merveilleux tableaux de la renaissance italienne, je voudrais ici vous parler d’une œuvre mythique d’un peintre ombrien un peu moins connu que le Pérugin. Malgré une appréciation un peu dépréciatrice de Vasari qui ne l’aimait guère, Le Pinturicchio (Bernardino di Betto), est pourtant certainement un des grands maîtres de la première renaissance à l’égal des Raphaël et autres Michelange tellement plus célèbres. Ses madones en particulier n’ont rien à envier à Filippo Lippi. Pinturicchio (Pinturicchio Wikipédia) est généralement associé à Pérugin. Tous deux sont natifs de Pérouse et on a décrit Pinturicchio comme son élève, bien qu’il n’ait eu que quelques quatre ans de moins. Les deux peintres on été souvent associés dans des collaborations pour le Vatican et d’autres œuvres: ils étaient manifestement très proches dans la première partie de leurs vies et Pinturicchio dont la production de fresques et de tableaux à thèmes religieux est considérable, reçoit de nos jours de plus en plus de considération de la part des spécialistes de l’art.

Je voudrais sacrifier ici aux côtés un peu ragotier de l’histoire de l’art qui concerne le début du cinquecento: Alexandre VI Borgia est le pape controversé dont tout le monde a entendu parler et qui a fait couler tellement d’encre. Pinturicchio, qui a déjà à son actif  de formidables travaux pour la Sixtine avec le Pérugin, et autres, pour Innocent VIII,  pour Nicolò Buffalinini ombrien comme lui, puis Sixte VI Della Rovere, est appelé par Borgia à réaliser la décoration en fresques des appartements et de sa chambre en 1492. Il est déjà passé maître dans l’art particulier des madones avec enfant Jésus et il va peintre dans cette même chambre une madone à l’enfant qui est connue sous le nom de « aux mains » à cause de l’attitude particulière de l’enfant.

Cette œuvre est aujourd’hui disparue dans son intégrité car plus de 150 ans plus tard, le pape qui choisit curieusement pour nom Alexandre XII, fait enlever la fresque de la chambre où elle était peinte: l’histoire a voulu croire que cette fresque représentait en fait le pape Borgia prosterné aux pieds de sa célèbre maîtresse Giulia Farnèse dont le frère deviendra pape sous le nom de Paul III en 1534. 

Il subsiste à ce jour une copie de ce tableau réalisé par Pietro Facchetti qui avait apparemment pu voir l’original avant sa destruction et l’on comprend en la voyant que l’identification de la madone, qui est faite, avec la célèbre maîtresse du pape Borgia et du fils qu’elle lui a apparemment donné ait pu scandaliser les religieux qui participent entre 1542 et 1563 au fameux concile de Trente convoqué par Paul III.

La copie de Pietro Facchetti

Borgia et les fragments d'une madone propriétés de Eleonora Chigi Albani della Rovere      

Une exposition de Jésus a Chiusi della Verna (Arezzo)  

L’histoire raconte aussi que le pape Borgia, qui avait eu, entre autres Lucrèce et César, issus d’une autre relation antérieure, était particulièrement amoureux de Giulia et prêt à tout pour la possession de son infinie beauté.

Récemment, en 2017, une exposition a eu lieu à Rome au musée du capitole (les fragments d'une madone exposés au capitole), où étaient mis en avant deux fragments qui semblent bien être des restes magnifiques de la fresque originale. Un mystère supplémentaire concernant le fragment de la vierge réside dans les signes cabalistiques qui figurent sur son voile sans signification claire.

 


Le mystérieux parcours de ces fragments est fascinant et l’interprétation que nous pouvons en faire aujourd’hui, est double:

D’une part, les critiques et historiens de l’art pensent que le visage de ces madones de Pinturicchio si nombreuses, dont certaines ont été peintes bien avant l’histoire d’amour de Borgia et Giulia, ne sont finalement que la représentation un peu symbolique et idéale de la beauté de la femme.

Pour les autres, galéristes contemporains, et responsables d’expositions il est naturel de les présenter dans le mystère historique d’évènements passés qui accroitra  l’intérêt des visiteurs pour ces mêmes chef d’œuvres. On ne sera pas étonné dans ce contexte qu’une nouvelle madone que l'on voit ci dessous, mentionnée en 1933 et dont la douteuse attribution à Pinturichio est discutée, volée à un collectionneur pérugin en 1990 et retrouvée récemment par les carabiniers ait fait l’objet d’une exposition  au musée national de l’Ombrie en 2019.   

Une madone au musée national de l'ombrie


 

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