jeudi 12 novembre 2020

Exceptionnel petit panneau de Cimabue découvert en France

Cenni di Pepo, dit Cimabue (connu de 1272 à 1302) : « Le Christ moqué ». 
Élément d’un diptyque de dévotion. (1280) 
Peinture à l’œuf et fond d’or sur panneau de peuplier
H. 25,8 cm ; L. 20,3 cm

Début juin 2019, la jeune commissaire-priseur Philomène Wolf s’est rendue dans une maison près de Compiègne (Oise). La propriétaire des lieux, une dame âgée, lui avait demandé d’estimer ses biens et d’examiner des objets divers et variés, pour la plupart destinés à la déchetterie ou à une brocante.

Parmi une centaine de lots, un petit panneau en bois accroché sur un mur entre la cuisine et le grand salon a attiré l’attention de Maître Wolf. Une peinture non signée mais de belle finition, représentant un épisode de la Passion du Christ, celui où Jésus est agressé, « moqué » et tourné en dérision devant la foule.

La propriétaire a expliqué que cette peinture appartenait à sa famille depuis très longtemps, mais qu’elle pensait ce n’était qu’une banale icône russe du 19e siècle. La famille n’en connaissait pas la provenance et n’y attachait aucune importance.

La commissaire-priseur a pressenti que cette représentation très vivante de Jésus entouré d’une foule en colère cachait une œuvre remarquable. Peint à l’œuf et fond d’or sur panneau de peuplier, le tableau ne mesure que 25 centimètres sur 20 et semble avoir été retiré d’un plus grand ensemble. Elle pense à un primitif italien.

Maître Philomène Wolf montra la peinture à Éric Turquin, un éminent spécialiste des tableaux anciens basé à Paris. Après examen de la pièce, l’expert et son équipe ont établi avec certitude que l’artiste n’était autre que Cimabue, le légendaire maître florentin dont les œuvres connues sont très rares.

Ces experts ont conclu que « Le Christ moqué » faisait partie d’un diptyque de dévotion privée composé de huit panneaux peint par Cimabue vers 1280, et dont seuls deux autres morceaux ont traversé les siècles : une "Flagellation du Christ" conservée à la Frick collection, à New York, et une "Vierge à l’enfant trônant entre deux anges", visible à la National Gallery de Londres. A l’origine, les huit panneaux représentaient huit scènes de la Passion du Christ.

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Dès la fin du XIIIe siècle, Cimabue pose les jalons d’un art occidental qui donnera la primauté à la représentation réaliste et humaniste de l’espace et des corps. Si le fond d’or ne permet pas encore de marquer la profondeur, de petites architectures, encadrant la scène sous la forme de volumes simples, suggèrent déjà le désir de l’artiste de représenter un espace en trois dimensions. De même, le dessin rompt avec le hiératisme byzantin et donne aux figures une véritable présence plastique, modelant avec souplesse des corps, dont les drapés épousent le mouvement, et dont les visages sont désormais empreints d’humanité. Il sera suivi par son élève Giotto.

27 octobre 2019 – La vente à lieu dans la salle du manège Ordener de Senlis. Mis à prix à 3 millions d’euros, « Le Christ moqué » de Cenni di Pepo, dit Cimabue a été adjugé à 19, 5 millions d’euros au marteau, soit 24,18 millions d’euros avec les frais, à un couple de grands collectionneurs chiliens (collection Alana).

Cependant, le panneau de Cimabue a été classé « trésor national » par le ministère de la Culture qui a refusé la délivrance de son certificat d’exportation. Reconnue comme majeure et inédite, l’œuvre pourrait ainsi rejoindre la Maesta du maître italien conservée au musée du Louvre. Encore faut-il rassembler la somme nécessaire…


1 commentaire:

  1. Passionnante étude d'un tableau italien peint récemment attribué à Cimabue .Quelle découverte . Regarder une oeuvre d'art ne serait- ce que sur l'écran d'ordinateur apaise notre angoisse car il nous fait participer au Chant du Monde !

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