lundi 21 septembre 2020

Une plongée dans la Mafia parmesane avec Valerio Varesi


Valerio Varesi écrivain italien, auteur de polars, né à Turin en 1959, vit à Parme, sa ville d'élection. Il puise son inspiration dans cette ville, jusqu’à plonger son héros, le commissaire enquêteur, Franco SONERI, dans la substance de cette ancienne cité ducale, tel un fervent Stendhalien auquel il se réfère.

Le commissaire Soneri de la Questure est un homme vieillissant qui souffre de nostalgie. Sa ville n’est plus ce qu’elle était au point que la conscience de son évolution urbaine inspire à l’auteur des pages saisissantes au réalisme douloureux. L’écrivain communique au lecteur un certain spleen baudelairien des plus efficaces. En pleine nostalgie d’une ville qui a perdu «  son âme » il décrit Parme revêtue des habits d’une modernité néfaste, gangrenée par la Malavita omniprésente.

Valerio Varesi fait de cet enquêteur une sorte d’alter ego, comme s’il soulageait son spleen en écrivant des enquêtes policières, souvent vouées à l’échec. En effet, les coupables de meurtres liés aux fraudes impunément étalées aux yeux des autorités judiciaires, s’en sortent par tout un système de rachats illicites au prix de la drogue, source de trafics incessants. Les maffieux se glorifient de leur impunité face à des agents de police impuissants à mettre sous les verrous les délinquants notoires, meurtriers impunis qui affichent leur réussite financière avec insolence ?
 
Le commissaire Soneri dont l’énergie n’est pas contestable, sombre dans une mélancolie aussi noire qu’est blanche la cocaïne source de mille profits : du bas en haut de l’échelle des mafieux. Cette mafia est renouvelée constamment par les étrangers venus de l’est qui peu à peu investissent les pouvoirs publics. L’auteur met le doigt sur l’inefficacité des institutions légales telle la cour de justice moins efficace que celle des assassins. Tout est à l’image de la ville qui se délite moralement et se transforme sous les coups de butoir d’un monde en mutation.

J’ai lu deux de ses romans qui sont autant de méditations saisissantes sur la mort programmée de Parme, centre urbain qui fut aimable, enrichi par le talent des artistes prestigieux qui en firent un lieu de civilisation urbaine. « Or, encens et poussière » publié aux éditions Agullo, fait état du dévoilement d’une nouvelle puissance en train de grignoter les richesses de la cité aristocratique.

La réputation de cette ville tient autant à sa richesse artistique qu’à deux produits emblématiques de la gastronomie transalpine : jambon et fromages, et plats d’anolini rappellent Parme la cossue et la gourmande dont Soneri hume les odeurs revigorantes. Quant aux artistes tel Le Corrège qui décora la cathédrale, ils jalonnent le parcours de l’enquêteur qui les salue tels des familiers de son parcours citadin.

Parme orgueilleuse de son prestigieux passé vit, grouille et se transforme. Suintent les odeurs de la Malavita car Soneri dit «  l’âpre vérité » fidèle à Stendhal. Le lecteur ne peut qu’apprécier sa plume élégante et son vocabulaire foisonnant qui font de Valerio Varesi un styliste de la langue italienne. Plonger dans sa pâte romanesque, procure un plaisir quasi charnel. Il sait cartographier les mutations dues à la mondialisation des échanges commerciaux qui mènent à la confusion des valeurs et des comportements humains.

Où est le Bien, où est le Mal ? trafic mafieux, assassinats, impunité juridique ! Seule réponse au lecteur : l’objectivité de l’écrivain qui a vu sa ville se dégrader au long cours de sa vie que l’amour pour une femme vient parfois adoucir, au soulagement du liseur qui se sent pris dans l’étau écrasant de ces enquêtes « pour Rien » puisque Soneri « amant de la vérité » évite les Happy End consolateurs.

2 commentaires:

  1. Je paraphraserais volontiers Augustin d'Hippone à qui l'on demande ce qu'est le temps: lorsque je pense au bien et au mal je sais de quoi il s'agit, mais lorsque l'on me demande d'exprimer ce qui les oppose je ne trouve pas d'explication claire et les mots me manquent. Reste ma conscience pour distinguer l'un de l'autre. La conscience cette perle philosophique qui est l'absente de toutes les mafias du monde.
    Merci Marie-Hélène pour cette belle synthèse, tu nous donnes l'envie de découvrir cet auteur.

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  2. Merci à toi Jean-Marie de faire allusion à Augustin dont l'oeuvre est une méditation sur le Bien et le Mal .Comme tu le dis, reste la conscience personnelle qui nous permet d'y voir clair parfois!

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